#1 28.09.2007 15:01:42

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Salut à tous,

vu que c'est mon 1e post, je me présente vite fait. En fait je connais lelombrik depuis la 1e version (j'l'avais découvert avec la punk machine), depuis j'y reviens tous les jours, mais je ne m'y suis jamais inscrit parce que j'aime bien rester en retrait, et juste lire les commentaires et me marrer. Je connais donc les créations de groarrrr, les fesses poilues de Dark, et plus récemment les jeux de mots de le-long-brick, etc.

Le sujet du post maintenant :

j'écris en ce moment un petit essai sous la forme d'un conte. C'est en fait une réécriture du conte "Ali Baba et les quarante voleurs" des 1001 nuits (que tout le monde connait) en "Ali Baba et les quatre grands voleurs". L'essai porte sur le téléchargement et l'industrie du disque (les quatre grands voleurs étant les 4 majors du disque... donc vous devinez le parti pris), et il est divisé en 8 nuits (schéma classique des 1001 nuits). Je poste la 1e que je viens de finir (avec un avant propos et le sommaire), et chaque semaine je posterais la nuit suivante (c'est le temps qu'il me faut à peu près pour l'écrire). C'est une sorte de conte feuilleton, si on veut.
Les nuits sont plutôt courtes (1 à 2 pages sous word), parce que c'est assez pénible de lire sur écran (selon moi), et j'ai choisis la forme du conte pour que ce soit plus agréable (ça n'est pas de la réflexion brute).
(PS : il n'est pas impossible que vous retrouviez ce texte sur d'autres sites ; j'essaie de le publier un peu partout)
Bonne lecture !

                                                               §§§

                                    ALI BABA ET LES QUATRE GRANDS VOLEURS
                                       Essai « Féerique » sur le téléchargement


                                                       AVANT-PROPOS

    Il n’est pas besoin d’une grande culture livresque pour reconnaître le conte que j’ai entrepris d’imiter. D’abord parce qu’un conte n’a justement pas besoin du livre pour se transmettre, mais surtout parce que l’histoire d’Ali Baba et des quarante voleurs est un des contes les plus connus des Mille et une nuits.

J’ai dis imitation : il s’agit plutôt d’un plagiat. J’ai en effet calqué le style de Galland , jusqu’à recopier textuellement de grands passages. La suite du conte n’échappera pas à cette règle, cela pour quatre raisons : la première, c’est que je n’ai pas assez de temps à consacrer à ce projet pour me permettre de réécrire entièrement l’histoire. Reprendre la prose de Galland me permet donc de gagner du temps, je ne modifie que les mots trop désuets ou les passages devant coller à mon canevas ; nul besoin de devoir soumettre mon style aux exigences du conte. La seconde raison, découlant de la première, est que le style de Galland permet de donner à mon texte ce caractère de conte auquel je n’ai pas le temps de me soumettre (j’ai cependant prévu de m’éloigner petit à petit de mon modèle, à mesure que mon scénario s’éloignera de l’original, notamment concernant le dialogue des deux dernières nuits). La troisième raison est le contraste entre le style vieilli de Galland (qui reste cependant compréhensible) et la modernité de mon sujet, qui m’a en effet semblé intéressant à exploiter. La quatrième raison enfin, c’est que le copyright et les droits d’auteurs ne s’appliquant pas à l’œuvre de Galland, je pourrais sans vergogne le piller sans avoir à reverser un sou à ses descendants. C’est mon pied de nez à la SACEM (qui, si elle le pouvait, rendrait illégal même le fait de siffloter un air sous copyright).
À ceux donc qui ont déjà lu la version de Galland, ne soyez point choqués s’il vous vient une impression de déjà lu.

Aussi, l’on pourrait me reprocher de m’être trop focalisé sur le problème du téléchargement illégal de la musique, et d’oublier les autres victimes* que sont le monde du cinéma, du jeux vidéo et du logiciel. Mais, comme le téléchargement de la musique est plus médiatique car beaucoup plus répandu, il m’a semblé meilleur d’en utiliser les quatre grandes figures de proue que sont Universal Music Group, Sony BMG, EMI Group et Warner Music Group, qui à elles seules contrôlent l’industrie du disque mondial. Ces quatre noms, bien que jamais explicitement nommés, me permettaient en outre de mieux asseoir mes personnages.

Pour clore ce prélude, voici le sommaire du conte, où sont dressées les huit nuits prévues, ainsi que ce qu’il s’y déroulera :
۱    Première nuit : comment Ali Baba découvrit le Peer-to-peer
۲    Deuxième nuit : comment Ali Baba télécharge ses premières musiques, et comment sa femme livre malgré elle le secret à la belle-sœur d’Ali Baba
۳    Troisième nuit : comment Cassim prend connaissance du système et en profite immodérément
۴    Quatrième nuit : comment Cassim est mis en garde puis arrêté par les quatre grands voleurs
۵    Cinquième nuit : comment Ali Baba vient en aide à son frère
۶    Sixième nuit : comment les quatre grands voleurs décident de se venger d’Ali Baba, et comment ils s’introduisent chez lui
۷    Septième nuit : première partie du discours d’Ali Baba, sur la création artistique et l’industrie du disque
۸    Huitième nuit : seconde partie du discours d’Ali Baba, sur les solutions proposées, sur sa solution personnelle du « téléchargement équitable », et fuite des quatre grands voleurs

(*Il n’y a dans l’utilisation de ce mot aucune ironie. Cette note, en revanche, en est pleine.)

                                                          1e Nuit

    La princesse Schéhérazade racontait chaque soir une nouvelle histoire à son mari le sultan des Indes pour prolonger sa vie, car celui-ci avait juré d’assassiner chaque matin la femme qu’il avait épousé la veille. Réveillée par la vigilance de Dinarzade sa sœur, qui dormait au pied de son lit, Schéhérazade commença de raconter au Commandeur des Croyants l’histoire qu’elle avait annoncée la veille, et à laquelle il s’attendait :

Puissant Sultan, dit-elle, dans une ville de France, aux confins des Etats de sa Majesté le roi Sharkho-Zhi, il y avait deux frères, dont l’un se nommait Cassim, et l’autre Ali Baba. Comme leur père ne leur avait laissé, avant de retourner mourir dans son pays, que peu de biens et qu’ils les avaient partagés également, leur fortune aurait due être égale : le hasard néanmoins en disposa autrement.
Cassim épousa une femme qui, peu de temps après leur mariage, entra dans l’administration. Ils purent ainsi contracter des emprunts auprès des usuriers locaux agréés par le roi, qui avaient la garantie de récupérer plus que ce qu’ils avaient prêté. Il ouvrit ainsi, avec l’argent de l’emprunt, une boutique qu’il remplit de bonnes marchandises, et au bout de quelques mois seulement il réussit à se mettre à son aise et à rembourser ses créanciers.
Ali Baba, au contraire, qui avait épousé une femme aussi pauvre et peu instruite que lui, était logé fort pauvrement, et il n’avait d’autre activité pour gagner sa vie et entretenir sa famille, que d’aller cueillir des champignons dans une forêt voisine et de venir le vendre en ville, chargées sur une vieille voiture qui faisait toute sa possession.
Ali Baba, à force de travail et d’épargne, réussit un jour à acheter un ordinateur à ses enfants, pour que ceux-ci puissent trouver sur Internet les connaissances que lui ne pouvait leur transmettre du fait de son peu d’éducation, et ainsi approfondir leur culture générale. Il espérait ainsi qu’ils pussent mieux s’intégrer parmi leurs amis, malgré leur grande pauvreté.
Un jour qu’il était dans la forêt à cueillir ses champignons, Ali Baba entendit deux personnes qui parlaient de « téléchargement » et d’acquérir gratuitement, par le biais d’Internet, toute sorte de produits culturels qu’il n’avait jamais pu offrir à ses enfants. Sans considérer ce que deviendrait sa récolte, il songea à suivre ses personnes. Il marcha à une distance raisonnable, afin de pouvoir les entendre sans qu’ils ne se croient suivis.
Il apprit ainsi qu’à l’aide d’une mule appelée eMule, l’on pouvait, après s’être connecté à un « serveur », télécharger de la musique, des films, des logiciels, des livres électroniques, des jeux vidéo, et toutes sortes de richesses numériques, y compris ce qui était introuvable dans son royaume. C’était une sorte de grand Bazar entièrement gratuit, où chacun pouvait prendre autant que les autres lui donnaient, et où chacun mettait à disposition des autres ce qu’il possédait. Ces nouvelles richesses appartenaient à d’autres personnes comme lui, mais plus riches, qui avaient les moyens de s’offrir ces biens culturels et les mettaient à la disposition de tous, des riches comme des plus démunis...

En cet endroit, Schéhérazade interrompit son récit pour faire remarquer au sultan des Indes que le jour paraissait. Le sultan fut tellement charmé de ce qu’il venait d’entendre qu’il résolut de la laisser vivre encore quelque temps, afin de contenter sa curiosité.

Dernière modification par Levah (28.09.2007 15:20:28)

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#2 28.09.2007 15:08:27

Vadente Ashanb
Lombric ventriloque
Lieu Dijon
24.11.2006
4,152

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Ce n'est pas ici que l'on est censé se présenter logiquement smile


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Cthulhu fhtagn (;,,,;)

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#3 28.09.2007 15:16:56

Fefaine
Belle Geek
Lieu Bruxelles
10.05.2005
10,695

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Death Illusion> ton post n'est pas d'un intérêt passionnant pour le sujet.
Evitez ce genre d'interventions s'il vous plaît, on est pas à la maternelle...


The problem with the world is that the intelligent people are full of doubts while the stupid ones are full of confidence.
Charles Bukowski

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#4 28.09.2007 15:25:23

corsicaa11
Lombric corse
13.07.2005
971

Ali Baba et les quatre grands voleurs

trop long ton message Levah, donne pas envie de lire et envie de faire chier fefaine en laissant un message pour rien sans interet.
sinon, bienvenue à toi Levah!


bannierecorsedj4.gif

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#5 28.09.2007 15:49:05

Ced
Ver de Éire
Lieu Dublin
19.10.2006
8,692

Ali Baba et les quatre grands voleurs

corsicaa11 a écrit

trop long ton message Levah, donne pas envie de lire et envie de faire chier fefaine en laissant un message pour rien sans interet.
sinon, bienvenue à toi Levah!

Je trouve plutôt le message sympa et l'image assez bonne... Si t'as pas envie de lire, bah lis pas, que veux-tu?!...

Quant à la longueur, je trouve plutôt que c'est assez court cette chose pour un sujet si complexe tellement on a même pas conscience du nombre de personnes. Cela repose franchement sur les fondamentaux de la liberté d'expression, d'action et de création. Plutôt que de se défendre contre les causes d'une chose peut-être abjecte, peut-être pas, les multinationales se battent contre les esclaves de la cause sachant que dans tous les cas, ils gagnent du fric.

C'est un peu comme les Etats-Unis qui font la guerre au terrorisme sans remettre la vente d'armes en cause, et même pire, en les fabriquant.

EDIT: pour info, Noir Désir en vidéo et ce qu'il en reste en lettre.

Dernière modification par Ced (28.09.2007 15:55:07)


'Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.' (Etienne de La Boétie)
                        'Soyez réaliste, demandez l'impossible' (Ernesto Guevara)
'Bien heureux les langues de p****.'(Jésus - Le Troisième Evangile selon St Emilion, verseZ 8.6)
Smile, you're on CCTV!

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#6 28.09.2007 19:52:58

le-long-brick
Longbric
14.03.2007
3,748

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Bienvenue Levah! Bravo pour ton orthographe impeccable! Le fond aussi est très intéressant, mais, si je peux me permettre, un peu trop... sérieux. C'est un plagiat volontaire et je crois que le rendre un tantinet davantage "délirant" serait un atout supplémentaire. Pour t'aider pense à Charles Müller & Paul Reboux dans leurs célèbres "A la manière de..."(Ca doit pouvoir se trouver en édition bon marché; personnellement, je l'avais acheté dans "Le livre de poche" mais ça fait déjà un bail.) Je crois me souvenir que le "à la manière des contes des mille et une nuits" était particulièrement désopilant. Bonne chance! wink

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#7 28.09.2007 20:09:47

Zealous
Membre
Lieu Sur une Banane
23.09.2007
100

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Bienvenue à toi Levah (même si tu connais Lelombrik depuis bien avant moi xD); j'apprécie ton essai, et vivement la suite!


Ronron fais le chaton~

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#8 01.10.2007 12:53:09

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Merci à vous, autant pour les bienvenus que pour vos avis sur mon texte.
Je suis désolé si je mets du temps à répondre, mais entre les cours, le taf, le dodo etc. j'ai plus bcp de temps pour moi...

Je vais essayer de répondre (en bref of course ^^) sans trop m'emmeler :

La longueur de l'essai est courte c'est vrai, parce que je me voyais pas taper un truc de 200 pages, vu que je le destine au net. En plus, le développement sur le sujet est prévu pour les 2 dernières nuits, celles d'avant c'est le scénar pompé sur le conte, histoire d'avoir un petit contexte pour introduire les idées sur le dl (je pense pas qu'on dl sans raison : parce qu'on est pauvre (ali baba), radin (son frere), ou qu'on veut tester avt d'acheter, etc.). Ca évite aussi la réflexion brute des essais d'aujourd'hui, qui repousse les lecteurs jeunes (j'en ai jms lu perso, et j'ai 22 ans, au cas où on croirait que j'ai plus smile ). (et puis c'est pas agréable de lire bcp sur écran, hein corsica wink, mais vu le pseudo ça m'étonne pas huhu (trop facile je sais...).)

Pour le-long-brick : "écrire à la manière de", tu veux dire imiter (un genre ou un style) ? Le truc c'est que j'ai pas le temps pour plancher trop dessus, alors recopier en changeant ce qu'il faut changer pour coller au scénar c'est ce qui me convenait le plus (solution de facilité détournée en argument tongue). Quand à l'humour, j'étais très tenté de le faire, mais j'ai un humour assez absurde et débile (qd c'est pas trash), et je le voyais pas coller au style galant du début 18e (qui est assez chiant et archaïque c'est vrai, surtout si on se tape les 1001 nuits en entier... mais vu que je compte faire court et que je pense que le sens des phrases reste compris, j'mé dis "bein j'va l'gôrder !". Mais je pense que plus je vais m'éloigner du texte de base (à cause du scénar), plus je vais venir à un style moins lourd car plus personnel (j'espere lol).

si j'avais du tps je reverrais tout ça différemment, mais j'ai bcp de trucs en ce moment (sinon ça me prendrait meme pas 2 jours pour écrire une nuit) ; j'espère que vous ne verrez pas ça comme si je prenais pas en compte vos remarques...
j'ai fais long, mais c'est pour rattraper mon absence ;p

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#9 02.10.2007 15:00:29

Mylo
Ver correcteur
Lieu Lyon
14.09.2006
3,152

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Levah a écrit

vu que c'est mon 1e post, je me présente vite fait. En fait je connais lelombrik depuis la 1e version (j'l'avais découvert avec la punk machine), depuis j'y reviens tous les jours, mais je ne m'y suis jamais inscrit parce que j'aime bien rester en retrait, et juste lire les commentaires et me marrer. Je connais donc les créations de groarrrr, les fesses poilues de Dark, et plus récemment les jeux de mots de le-long-brick, etc. [...] J’ai dis imitation : il s’agit plutôt d’un plagiat. J’ai en effet calqué le style de Galland , jusqu’à recopier textuellement de grands passages.

Je trouve que tu pompes beaucoup. smile

Pourquoi ce sujet plutôt qu'un autre plus en rapport avec l'actualité ?


Chat badin badingue

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#10 04.10.2007 20:47:14

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Mylo > ouai je plagie carrément (au début en tout cas), mais je m'en cache pas wink
sinon bah le dl, j'sais pas ça m'est venu comme ça en cherchant un truc dans les 1001 nuits, j'ai trouvé le retournement du titre plutot marrant. Puis je dl un peu, comme une grande partie des internautes (enfin, avant je le faisais bcp, aujourd'hui bcp moins). Et à mon avis le silence qu'il y a à ce sjt depuis un certain temps c'est mauvais... pas parce qu'à la télé c'est passé de mode que les majors ont abandonnés l'idée de nous la rentrer profonde, à mon avis...

quoi qu'il en soit, j'ai fini la 2e nuit hier, et comme j'avais un peu de temps (hors visitage des fichiers) je viens la poster :

                                                     2e Nuit

Dinarzade ne fut pas paresseuse à réveiller la sultane sur la fin de cette nuit. « Ma chère sœur, lui dit-elle, si vous ne dormez pas, je vous prie de poursuivre le beau conte d’Ali Baba et des quatre grands voleurs. » Schéhérazade prit aussitôt la parole, et, s’adressant toujours au sultan :

Ali Baba n’y crut d’abord pas ; il dit en lui-même : « C’est sans doute une de ses escroqueries, où l’on vous offre un petit produit dans le but de vous en faire acheter un plus cher. » Il laissa la les deux promeneurs et retourna récupérer son panier, que par chance personne n’avait pris ; puis il monta dans sa voiture et rentra chez lui. Comme il avait retenu les mots des deux promeneurs, il eut la curiosité d’éprouver si en faisant ce qu’ils avaient dit il pouvait obtenir ses richesses. Il alluma son ordinateur, ouvrit Internet Explorer et rechercha le mot « eMule » sur Google. Dans l’instant sa recherche aboutit, et il téléchargea le logiciel et l’installa.
Ali Baba s’était attendu à voir un logiciel complexe et réservé aux professionnels ; mais il fut surpris d’en voir un simple, pratique et facile d’utilisation, créé et modifié gratuitement pour répondre aux attentes des internautes. Il vit les onglets serveurs, transferts, recherche, fichiers partagés, statistiques, options et aide ; et, à voir cette interface, il lui parut qu’il n’y avait rien de plus simple à utiliser.
Ali Baba ne balança pas sur le parti qu’il devait prendre : il se connecta au serveur DonkeyServer nº 2 et, dès qu’il y fut entré, il lança une recherche pour vérifier si cela fonctionnait vraiment. Il ne s’attarda pas à voir tout ce qu’on y pouvait trouver ; il entra le nom de son chanteur préféré, et immédiatement apparut la liste de toutes ses chansons et albums. Il en prit plusieurs à la fois, autant qu’il y avait d’albums différents, bien qu’il en possédât déjà quelques-uns. Il changea les priorités de réception afin de télécharger d’abord ceux qu’il préférait, puis réduisit la fenêtre d’eMule. Cela fait, Ali Baba retourna dans le salon, et but le thé à la menthe avec sa femme et ses enfants.
Le lendemain, la femme d’Ali Baba, qui passait son temps libre sur l’ordinateur, vit une petite tête d’âne marron dans la barre des tâches. Comme elle était curieuse, elle l’ouvrit, et vit la liste des téléchargements achevés. Elle avait reconnu le nom du chanteur préféré de son mari, mais à la place de voir les icônes de musique auxquels elle était habituée, elle vit un petit dessin représentant trois livres, un violet un bleu et un vert, attachés par une ceinture. Elle voulait écouter les musiques, mais un message d’erreur apparaissait chaque fois qu’elle double-cliquait sur les icônes.
Ali Baba étant parti travailler, elle prit le parti d’appeler chez Cassim, son beau-frère, pour lui demander de l’aide. Cassim n’était pas chez lui, à son défaut, c’est à sa femme qu’elle eut à l’autre bout du fil. Elle lui demanda comment il fallait faire pour ouvrir les fichiers en question, et la belle-sœur, qui utilisait ce type de fichier au bureau, lui expliqua qu’il fallait télécharger un logiciel nommé « Winrar » afin de dézipper le fichier, qui n’était que la compression de plusieurs autres fichiers. Mais, comme elle connaissait la pauvreté d’Ali Baba, la belle-sœur fut étonnée d’apprendre qu’il avait pu s’acheter un ordinateur ; curieuse de savoir à quoi pourrait bien leur servir Winrar, elle interrogea la femme d’Ali Baba. Celle-ci lui expliqua naïvement comment elle avait vu la tête d’âne avec écrit eMule dessous et comment elle n’arrivait pas à lire les fichiers Winrar. Après quelques messes basses, elles raccrochèrent le téléphone.
La femme d’Ali Baba se rassit devant l’ordinateur ; après une courte recherche fructueuse sur Google, elle télécharge et installe le logiciel Winrar, puis dézippe les albums téléchargés par son mari. Elle préparait le repas du soir en écoutant les musiques lorsqu’Ali Baba rentra du travail...

Le jour qui paraissait empêcha Schéhérazade d’en dire davantage cette nuit. Le sultan se leva ; mais, voulant savoir comment réagirait Ali Baba, il attendit la nuit suivante impatiemment.

wala wala

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#11 13.10.2007 16:36:07

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Salut.

Voici la 3e nuit, avec un peu de retard.
En espérant que je poste pas dans le vent big_smile


                                         3e Nuit

    Quelque temps avant le jour, Dinarzade, s’étant réveillé, dit à la sultane : « Ma sœur, si vous ne dormez pas, je vous supplie de continuer l’agréable histoire d’Ali Baba. » Schéhérazade, ayant demandé la permission au sultan, reprit l’histoire là où elle l’avait laissée :

Ali Baba, qui reconnut la voix de son chanteur préféré, alla voir sa femme et lui dit : « Ma femme, sont-ce là les musiques que j’avais mis à télécharger ? Comment les avez-vous trouvées ? » La femme d’Ali Baba raconta tout à son mari, qui fut ravi de voir que le système fonctionnait vraiment, et qu’il pouvait réellement avoir gratuitement tous les produits culturels qu’il voulait ; la seule chose qui l’inquiéta fut de savoir que son frère Cassim allait en être informé. Aussi dit-il à sa femme : « Mieux eût-il été que vous ne dissiez rien à sa femme... Ce que vous avez fait n’a été bon à rien ; j’aurais, d’une manière ou d’une autre, trouvé une solution à ce problème. Mais la faute est faite, elle ne peut être réparée. Tâchez tout de même à garder le secret. »
Cassim n’était pas à la maison, comme nous l’avons dit ; il était à sa boutique, d’où il ne devait revenir que tard le soir. Tout le temps qu’il se fit attendre fut un siècle pour sa femme, qui avait conçu de la convoitise envers la femme du pauvre Ali Baba, qui pouvait écouter gratuitement ce que elle était obligée de payer. Aussi était-elle impatiente que son mari rentre.
À l’arrivée de Cassim chez lui : « Cassim, lui dit sa femme, vous croyez être riche et pouvoir acheter ce qu’il vous plaît, vous vous trompez : Ali Baba, qui est infiniment misérable, obtient gratuitement ce que vous devez acheter avec votre argent ; vous comptez votre argent, lui n’en a pas le besoin ! »
Cassim demanda l’explication de cette énigme, et elle lui en donna l’éclaircissement, et elle lui montra le logiciel qu’elle avait réussi à télécharger et à installer sur leur ordinateur pendant qu’elle l’attendait.
Loin d’être sensible au bonheur qui pouvait être arrivé à son frère pour se tirer un peu de la misère, Cassim en conçut une jalousie mortelle. Il en passa presque la nuit sans dormir. « Comment ce misérable, disait-il, a réussi à s’acheter un ordinateur, lui qui peine boucler ses fins de mois ? Et comment a-t-il pris connaissance d’un système dont même moi j’ignorais l’existence ? » Le lendemain, il l’appela chez lui alors que le soleil n’était pas levé. Il ne le traitait pas en frère : il avait oublié ce nom depuis qu’il était devenu riche.
« Ali Baba, dit-il, vous êtes bien réservé dans vos affaires ; vous faites le pauvre, le misérable, le gueux, et vous obtenez tout sans payer, vous vous délassez gratuitement pendant que d’autres travaillent pour pouvoir s’acheter un peu de loisir ! »
– Mon frère, reprit Ali Baba, calmez-vous. Je ne sais de quoi vous voulez parler.
– Ne faites pas l’ignorant, répartit Cassim, votre femme a tout racontée à la mienne, qui m’a tout rapportée. »
À ce discours, Ali Baba fut forcé d’avouer. Sans donner à son frère la moindre marque d’étonnement ni de chagrin, il lui avoua la chose, et lui raconta par quel hasard il avait entendu la discussion des deux promeneurs ; et il lui offrit, s’il voulait garder le secret, de lui faire part du fonctionnement d’eMule, la clé du trésor.
« Je le prétends bien ainsi, reprit Cassim d’un air fier ; mais, ajouta-t-il, je veux savoir aussi précisément comment fonctionne ce système, et tout ce que l’on peut télécharger, autrement je vais vous dénoncer à la justice. Si vous le refusez, non seulement vous n’aurez plus rien à en espérer, vous perdrez même ce que vous avez téléchargé, au lieu que j’en aurai ma part pour vous avoir dénoncé. »
Ali Baba, plutôt par son bon naturel qu’intimidé par les menaces insolentes d’un frère barbare, l’instruisit de ce qu’il souhaitait autant qu’il en savait ; et, pour se moquer un peu de ce frère insolent, il lui dit : « Mon frère, lorsque vous lancerez le programme, n’oubliez pas de dire ces paroles : Sésame, ouvre-toi, sinon le logiciel ne pourra pas télécharger. » Cassim ne prit pas garde à l’absurdité du conseil que lui donnait son frère.
Il n’en demanda pas davantage à Ali Baba. Il le quitta, résolu de le prévenir ; et, plein d’espérance de s’emparer du trésor lui seul (car il croyait qu’en téléchargeant tels album ou film il en aurait l’exclusivité, et que personne ne pourrait le télécharger à son tour sans lui en demander l’autorisation), il installe le soir même dix mods  d’eMule qu’il lance tous en même temps, en se réservant d’en installer un plus grand nombre dans un second temps, à proportion des fichiers qu’il trouverait sur le réseau. Se souvenant du conseil d’Ali Baba, il prononce, à chaque mods qu’il ouvre, les paroles : Sésame, ouvre-toi. Le logiciel s’ouvre, et aussitôt il lance une recherche. En examinant le résultat de la première recherche, il est dans une grande admiration de voir beaucoup plus de richesses qu’il ne l’avait compris par le récit d’Ali Baba ; et son admiration augmente à mesure qu’il lance d’autres recherches. Avare et amateur des richesses comme il l’était, il eût passé sa soirée à se repaître les yeux à la vue de tant de bien gratuit, s’il n’eût songé qu’il devait le lendemain se lever de bonne heure. Il charge donc ses dix eMule de tout ce qui lui passe par la tête, logiciel, musique, film, jeu vidéo, même s’il sait qu’il n’y jouera pas. Puis il va se coucher, la tête pleine de cette nouvelle mine d’or...

« Mais, Sire, dit Schéhérazade en cet endroit, le jour qui paraît vient m’imposer silence. Si Votre Majesté veut bien me laisser vivre jusqu’à demain, elle saura ce qui se passa par la suite. » Le sultan y consentit, et se leva pour aller tenir conseil.

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#12 19.10.2007 21:15:27

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Voici viendre la 4e nuit
(pour comprendre la -courte- description des voleurs, regardez les logos des majors... smile


                                               4e Nuit

Sur la fin de la nuit, Dinarzade, ayant appelé la sultane, lui dit : « Ma sœur, si vous ne dormez pas, je vous prie de continuer l’histoire que vous ne pûtes achever hier. – Très volontiers », répondit Schéhérazade, qui poursuivit ainsi son conte :

Le lendemain matin, avant d’aller à sa boutique, Cassim jeta un œil aux téléchargements, pour vérifier si le système fonctionnait vraiment ; il fut fort satisfait de voir que la presque totalité de ce qu’il avait mis en téléchargement était finie ou sur le point de l’être. Il se dit en lui-même : « Voilà bien de l’économie faite ! Je pourrais ainsi me procurer gratuitement tout ce qu’autrefois j’étais obligé d’acheter, et j’aurais même des choses dont je n’aurais pas voulu si j’avais à débourser. » Il passa la journée de très bonne humeur, pensant à l’argent qu’il allait pouvoir épargner.
Le soir, lorsqu’il rentra chez lui, la première chose qu’il fit fut de s’asseoir devant son ordinateur afin de tester les fichiers téléchargés. Il lança la lecture de quelque album, et vérifia s’il n’avait pas reçu de courriel ; quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il vit, en ouvrant son adresse électronique, un courriel d’avertissement de son fournisseur d’accès à internet. Voici ce que disait le courriel :
« Cher(e) abonné(e),
Nous avons reçu une plainte par mail nous informant que vous téléchargez, ou permettez le téléchargement, de films, logiciels, jeux vidéo et/ou œuvres musicales via les systèmes dits de Peer to peer (ou P2P, de pair à pair) accessibles sur le réseau internet.
Nous vous rappelons que cette pratique est interdite et contraire à la législation française dès lors que vous ne possédez pas les droits ou autorisations pour posséder ou diffuser ces contenus. Aussi, nous vous conseillons vivement de cesser cette pratique dans les plus brefs délais, afin de vous prémunir d’une éventuelle plainte déposée à votre encontre par l’organisme possédant les droits sur ces contenus.
Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, et vous prions d’agréer, cher(e) abonné(e), l’expression de nos sincères salutations.
Cordialement,
Votre FAI  . »
Cassim ne s’attendait pas à cet évènement. Mais, après être revenu de sa surprise, il décida de ne pas prendre la menace au sérieux et supprima le courriel. « Je viens à peine de commencer, se dit-il, tandis que d’autres le font depuis longtemps ; c’est à eux à être pris en premier. Il n’est pas juste que je recommence à dépenser ma fortune pendant qu’Ali Baba continue à tout obtenir gratis. Puis, avant de se lever de devant l’ordinateur, il lança d’autres fichiers à télécharger, pour se conforter dans sa résolution.
Le lendemain matin, alors qu’il se préparait à aller à sa boutique, Cassim entendit frapper à sa porte. Il alla ouvrir, et vit quatre puissantes personnes ; à leur mine et à leur équipement, Cassim ne douta pas qu’ils ne fussent des voleurs. Il ne se trompait pas : en effet, c’étaient des voleurs qui exerçaient leurs brigandages aux yeux et vues de tous, et à qui personne n’osait s’opposer, car ils avaient réussi à corrompre la basoche locale. Le plus grand des quatre voleurs était aussi le plus gros, et il avait un planisphère tatoué sur tout l’abdomen ; c’était le capitaine des voleurs. Le deuxième avait le visage renfrogné et les yeux étirés. Le troisième, qui avait la peau rouge, semblait être l’ancien capitaine déchu. Le quatrième enfin était une monstruosité à trois yeux et à la peau bleuâtre.
Comprenant qu’ils étaient là suite à la mise en garde de la veille, qu’il n’avait pas respectée, Cassim fut saisi de frayeur ; il se jeta à terre et, baisant les pieds des voleurs, il les supplia de lui pardonner. Malgré ses pleures et ses remords, le capitaine fit signe au troisième voleur de saisir Cassim. Se voyant perdu, Cassim s’élança brusquement hors de chez lui pour essayer de s’enfuir. Mais il n’échappa pas à la vigilance des voleurs, et l’ancien capitaine le saisit par le bras et ils le livrèrent à la justice.
Le premier soin des voleurs, après cette arrestation, fut de tenir conseil et de délibérer ensemble sur cet évènement. Ils n’arrivaient pas à comprendre pourquoi les gens continuaient à télécharger leurs musiques malgré que la loi était de leur côté, et malgré les mises en garde qu’ils envoyaient par l’intermédiaire des FAIs. Pour quelque raison que la chose arrivait, comme il s’agissait que leurs richesses communes fussent préservées et continuassent d’augmenter, ils décidèrent de durcir encore plus les lois en vigueur en faisant voter des lois de répression plus dures encore. Il leur vint en pensée un nouveau projet de loi qui réprimerait directement tout consommateur et utilisateur de leurs produits en interdisant et sanctionnant la copie privée, en interdisant et sanctionnant l’utilisation au sein de la famille, en interdisant et sanctionnant le prêt aux amis, en interdisant et sanctionnant qui ne se plierait pas à leurs lois. Cela leur permettrait d’obliger une même personne à acheter plusieurs fois le même bien culturel, soit parce qu’il ne sera utilisable que sur certains supports, soit un certain nombre de fois seulement... un peu comme les rasoirs jetables. Cela augmenterait considérablement leur butin.
Cette résolution prise, ils mirent tout en œuvre pour l’exécuter : lobbying, arrosage de ministre, etc. ; et, quand ils n’eurent plus rien ni personne qui les arrêtât, ils firent voter leur projet de loi, le Devoir d’Acheter nos Disq... non ce n’est pas ça ; excusez-moi, Sire. » Après s’être plusieurs fois répété les initiales à voix basse, Schéhérazade reprit : « Ils firent donc voter leur projet de loi, le Droit d’Auteur et Droits voisins dans la Société d’Information. – Le vilain sophisme que voila ! dit le Sultan des Indes en fronçant les sourcils. Si cela s’était passé dans une de mes provinces, j’aurais personnellement sévi contre ses scélérats. Le roi de ce pays ne fit-il rien pour arrêter et punir ses brutes avides ? »

« Vous le saurez la nuit prochaine, répondit Schéhérazade, car je vois le jour qui paraît et m’impose silence. » Le sultan se leva sans rien dire ; mais, désirant ardemment d’entendre la suite de ce conte, il n’eut garde de faire mourir la sultane ce jour-là.

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#13 28.10.2007 11:48:45

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Et la
                                                               5e Nuit

Sur la fin de la nuit suivante, comme Dinarzade tardait à appeler sa sœur, c’est le sultan lui-même qui la réveilla et lui demanda de continuer son histoire. « Je vais vous satisfaire », répondit Schéhérazade.

La femme de Cassim cependant fut dans une grande inquiétude quand elle vit qu’il était nuit close et que son mari n’était pas revenu, car elle dormait au moment de l’arrestation de son mari. Elle alla chez Ali Baba tout alarmée, et elle dit : « Beau-frère, est-ce que Cassim est chez vous ? Il n’est pas encore rentré, et voilà la nuit avancée ; et je crains que quelque malheur ne soit arrivé, car il reçut hier une menace à cause qu’il téléchargeait beaucoup. »
Ali Baba s’était douté que son frère abuserait de ce système malgré sa grande richesse, précisément parce qu’il n’en avait pas besoin ; et c’est pour cela qu’il n’avait pas lancé eMule ce jour-là. Sans lui faire aucun reproche dont elle pût s’offenser, ni son mari, il lui dit qu’elle ne devait pas encore s’alarmer, que peut-être Cassim avait quelque chose de prévu ce soir, car c’était dans ses habitudes de faire les choses sans prévenir personne.
La femme de Cassim le crut ainsi, d’autant plus facilement qu’elle savait combien son mari faisait les choses secrètement. Elle retourna chez elle, et elle attendit patiemment jusqu’à minuit. Mais après cela ses inquiétudes redoublèrent, et elle passa la nuit dans les pleurs ; et dès la pointe du jour elle courut de nouveau chez son beau-frère, et elle leur annonça le sujet qui l’amenait plutôt par ses larmes que par ses paroles.
Ali Baba n’attendit pas que sa belle-sœur le priât de se donner la peine d’aller se renseigner sur le sort de Cassim. Il monta dans sa petite voiture et alla voir tous les lieux où son frère aurait pu passer la nuit ; il se présenta finalement au poste de police. En approchant du commissariat, il fut étonné de l’odeur de pipi de chat qu’il sentit près de la porte, et il en prit mauvais augure. Il se présenta à l’accueil, demanda son frère, et on le conduisit aux cellules de garde à vue. Il fut frappé du triste spectacle de son frère, rossé par des policiers ivres de l’alcool que leur avait apportés les quatre grands voleurs en leur livrant Cassim, qui s’était accidentellement mordu et coupé la langue pendant qu’on le battait. Ali Baba n’hésita pas sur le parti qu’il devait prendre pour aider son frère, en oubliant le peu d’amitié fraternelle qu’il avait pour lui. Il paya sa caution, et ils allèrent chez lui pour lui donner des soins.
Ali Baba frappa à la porte, qui lui fut ouverte par Morgiane : cette Morgiane était une femme de chambre travaillant pour Cassim, adroite et brillante pour faire réussir les choses les plus difficiles ; et Ali Baba la connaissait pour telle. Quand ils furent entrés, Ali Baba déposa Cassim sur son lit, et, en prenant Morgiane à part : « Morgiane, dit-il, la première chose que je te demande, c’est un secret inviolable : tu vas voir combien il vous est nécessaire autant à ta maîtresse qu’à toi. Voilà ton patron : il s’agit de le soigner sans que l’on sache comment il en est arrivé là. Fais-moi parler à ta maîtresse de maison, et sois attentive à ce que je lui dirai. »
Morgiane avertit sa maîtresse, et Ali Baba, qui la suivait, entra.
« Hé bien, beau-frère, demanda la belle-sœur d’Ali Baba avec grande impatience, quelle nouvelle apportez-vous de mon mari ? Je n’aperçois rien sur votre visage qui doive me consoler. » Ali Baba lui raconta le succès de sa recherche et l’état dans lequel il avait retrouvé Cassim.
« Belle-sœur, ajouta-t-il, voilà bien un sujet d’affliction ; mais il faut songer à faire en sorte que la cause de l’état de mon frère ne se sache pas, car les ragots et la mauvaise réputation qui s’ensuivrait nuiraient considérablement à son commerce. Ce serait donc une erreur que de l’emmener à l’hôpital ; c’est un soin, je pense, que vous pouvez laisser à Morgiane, et j’y contribuerai de mon côté de tout ce qui sera en mon pouvoir. »
Quel meilleur conseil pouvait prendre la femme de Cassim que celui qu’Ali Baba lui proposait, elle qui, avec sa modeste paye de fonctionnaire, aurait eu bien du mal à assurer les frais pour la conservation de leur niveau de vie ? Elle ne refusa pas le conseil. En essuyant ses larmes qu’elle avait commencé à verser en abondance, elle témoigna à Ali Baba de la reconnaissance pour l’aide qu’il leur apportait.
Ali Baba laissa sa belle-sœur au chevet de son mari ; et, après avoir recommandé à Morgiane de bien s’acquitter de son rôle, il retourna chez lui avec sa petite voiture.
Morgiane ne s’oublia pas ; elle sortit en même temps qu’Ali Baba, et alla à la pharmacie de garde qui était dans le voisinage pour acheter le matériel médical nécessaire aux premiers soins. La pharmacienne lui demanda ce qu’elle comptait en faire, pour pouvoir arranger la trousse de soins en conséquence.
« Oh, dit-elle avec indifférence, c’est Cassim, mon patron, qui prépare son départ en vacance. Il veut une trousse de soins, au cas où il arriverait quelque malheur sur la route. »
Avec ces paroles, elle emporte la trousse, dont véritablement Cassim avait grand besoin.
Le lendemain de grand matin, que le jour ne faisait que commencer à paraître, Morgiane, qui savait qu’il y avait sur la place un blanchisseur très vieux qui avait été autrefois cordonnier et qui ouvrait tous les jours sa boutique le premier, longtemps avant les autres, sort, et elle va le trouver. En l’abordant et en lui donnant le bonjour, elle lui mit un billet de cinquante euros dans la main.
Baba Moustafa, connu de tout le monde sous ce nom, Baba Moustafa, dis-je, qui était naturellement gai, et qui avait toujours le mot pour rire, en regardant le billet, dit : « A ce prix-là, je vous décrotte vous et vos vêtements ! De quoi s’agit-il ? Me voilà prêt à bien faire.
– Baba Moustafa, lui dit Morgiane, je sais que vous fûtes autrefois bon cordonnier, et que votre ancienne profession vous est encore familière ; prenez donc ce qui vous est nécessaire pour coudre, et venez avec moi promptement ; mais à condition que je vous banderai les yeux pour vous mener à un tel endroit. »
À ces paroles, Baba Moustafa fit le difficile.
« Oh ! oh ! reprit-il, vous voulez donc me faire faire quelque chose contre ma conscience ou contre mon honneur ? »
En lui mettant un autre billet de cinquante euros dans la main : « Dieu garde, reprit Morgiane, que j’exige rien de vous que vous ne puissiez faire en tout honneur ! Venez seulement, et ne craigniez rien. »
Baba Moustafa se laissa mener ; et Morgiane, après lui avoir bandé les yeux avec un foulard, le mena chez son patron convalescent, et elle ne lui ôta le foulard que dans la chambre. Quand elle le lui eut ôté : « Baba Moustafa, dit-elle, c’est pour vous faire coudre la langue que voilà que je vous ai amené. Ne perdez pas de temps ; et, quand vous aurez fait, je vous donnerai un autre billet de cinquante euros. »
Baba Moustafa protesta d’abord qu’il valait mieux l’emmener à l’hôpital, mais Morgiane lui expliqua qu’ils avaient leurs raisons de vouloir garder cet incident secret, et que le morceau de langue se ressoudera de lui-même avec le temps, et Baba Moustafa se mit au travail... »

Schéhérazade voulait poursuivre son récit ; mais le jour qui paraissait l’en empêcha. Le sultan, de qui toutes les heures étaient réglées, ne pouvant l’écouter plus longtemps, se leva ; et, comme il voulait absolument entendre la suite de l’histoire, il avertit la sultane de se préparer à la lui raconter la nuit suivante.

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#14 28.10.2007 13:05:10

el rey de sus nalgas
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27.10.2006
807

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Moi je dis Alibaba et les 40 voleurs le lundi et mardi à 20h50 sur TF1 big_smile Pour ceux que ça intéresse smile

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#15 03.11.2007 10:04:19

Levah
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28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

el rey > pitié !!! XD
V'la la 6e nuit, c'est encore un peu long, m'excuserez..

                                                       6e Nuit

Dinarzade avait elle aussi tant d’impatience d’entendre la suite du conte de la nuit précédente qu’elle appela sa sœur de bonne heure. « Ma chère sœur, lui dit-elle, si vous ne dormez pas, je vous supplie, en attendant le jour, de continuer le merveilleux conte d’Ali Baba. » Schéhérazade reprit aussitôt cette histoire à l’endroit où elle l’avait laissée le jour précédent.

Sire, dit-elle, quand Baba Moustafa eut achevé, Morgiane lui rebanda les yeux dans la même chambre ; et, après lui avoir donné le troisième billet qu’elle lui avait promis et lui avoir recommandé le secret, elle le ramena jusqu’à sa boutique.
Quant à la boutique de Cassim, comme ce dernier devait garder le lit, Ali Baba avait un fils qui depuis quelque temps avait achevé ses études de commerce dans une autre grande ville du royaume ; il lui donna la boutique à garder jusqu'au rétablissement de son oncle.
Laissons Ali Baba à ses préoccupations et parlons des quatre grands voleurs. Ils revinrent au commissariat dans le temps dont ils étaient convenus ; mais ils furent surpris de ne pas y trouver le corps de Cassim. Ils interrogèrent un agent qui leur dit que Cassim avait été libéré sous caution, car eux-mêmes ne savaient pas pourquoi il avait été enfermé et battu. Les quatre grands voleurs turent qu’ils avaient des contacts dans la police qu’ils avaient droguée à cet effet, et demandèrent qui avait payé la caution.
« Allons voir cet Ali Baba, dit le capitaine ; si nous ne cherchons promptement à mettre fin à ce système de téléchargement, insensiblement nous allons perdre beaucoup de richesses. Faisons-lui subir le même traitement qu’à son frère ; cela découragera beaucoup d’internautes, en attendant que notre projet de loi soit voté et appliqué. Qu’en dites-vous, braves gens ? n’êtes-vous pas de même avis que moi ? »
La proposition du capitaine fut trouvée si raisonnable par les trois autres voleurs qu’ils l’approuvèrent tous, et ils tombèrent d’accord qu’il fallait faire abandonner à tous les internautes cette idée d’acquérir gratuitement leurs musiques, en faisant du pauvre Ali Baba un exemple.
Il ne leur était nul besoin de stratagème pour le retrouver, car il leur suffisait de se rendre à nouveau chez Cassim et d’y requérir le lieu de résidence d’Ali Baba, ce qu’ils firent immédiatement. Arrivés chez Cassim, ils menacèrent sa femme et Morgiane, mais alors que celle-ci allait leur donner une fausse adresse afin d’appeler les forces de l’ordre pour les arrêter à leur retour, la femme de Cassim se jeta à leurs pieds, suppliante : « Je vous en prie, ne faites plus de mal à mon mari ; je vous dirais ce que vous voulez savoir. » Morgiane, pleine d’esprit, prit aussitôt la parole et tenta de rattraper l’erreur de sa maîtresse en leur donna une fausse adresse ; mais aussitôt la femme de Cassim : « Tais-toi ! lui dit-elle. Veux-tu qu’il arrive encore du mal à mon mari ? Tout ceci est la faute d’Ali Baba, qu’il éteigne donc lui-même le feu qu’il a allumé. »
L’ingratitude dont fit preuve sa riche maîtresse face au pauvre Ali Baba, qui les avait aidés du mieux qu’il avait pu, en négligeant même sa famille et en se donnant tout entier à la cause de son frère, par pur sentiment de fraternité, offensa profondément Morgiane. Aussitôt que les voleurs eurent obtenu de la femme de Cassim l’adresse d’Ali Baba et qu’ils furent partis, Morgiane donna sa démission à sa patronne. « Ingrate que vous êtes ! lui dit-elle. Je vous rends mon tablier et m’en vais aider ce bon Ali Baba à repousser ses brigands que vous lui avez envoyés. » Comme elle connaissait bien l’endroit où habitait Ali Baba, elle s’y rendit plus promptement que les quatre grands voleurs.
Sur le chemin, le capitaine des voleurs dit à ses complices : « Camarades, rien ne peut plus nous empêcher de punir cet Ali Baba qui ose nous tenir tête. Mais il nous faut penser à un moyen d’agir secrètement, car si cela venait à se savoir, ce serait un coup terrible pour notre image de marque. Voici ce que j’ai imaginé ; quand je vous l’aurais exposé, si quelqu’un sait un expédient meilleur, il pourra le communiquer. » Alors il leur expliqua de quelle manière il prétendait s’y comporter ; et, comme ils lui eurent tous donné leur approbation, il les chargea de se procurer trois grosses malles vides, et un camion pour les transporter.
Deux heures suffirent aux voleurs pour rassembler le matériel. Ils mirent les trois malles dans le camion et se rendirent chez Ali Baba, le capitaine habillé en livreur. Avant de frapper à la porte, le capitaine fit entrer chacun des voleurs dans une malle, afin qu’ils entrassent dans la maison sans éveiller de soupçons. Puis il frappa à la porte, et c’est Ali Baba lui-même qui ouvrit : « Monsieur, dit-il, j’ai à vous livrer les trois colis que vous voyez. Si cela ne vous dérange pas, signez ici, et je vous aiderais à les transporter à l’intérieur. »
Ali Baba ne l’ayant jamais vu, il ne se douta pas qu’il parlait au capitaine des voleurs ; et, quoique Morgiane les eût vus chez Cassim quelques heures auparavant, comment eût-elle pu le reconnaître pour le capitaine des quatre grands voleurs, sous le déguisement d’un banal livreur ?
Ali Baba signa la feuille que lui tendait le livreur, et ils transportèrent les trois malles à l’intérieur, dans la chambre d’ami. Puis il dit au livreur : « Entrez, asseyez-vous, je vous prie. Ma femme prépare le thé ; vous boirez bien un verre ? » Le capitaine saisit cette opportunité, et ils s’installèrent dans le salon. Ali Baba, non content de tenir compagnie à celui qui en voulait à sa vie, commença de l’entretenir de plusieurs choses qu’il crut pouvoir lui faire plaisir, jusqu’à ce que sa femme leur eût servi le thé.
Le capitaine des voleurs buvait son thé tout en promenant son regard dans le salon ; et il fut dans une rage folle, qu’il eût peine à retenir, quand il vit l’ordinateur d’Ali Baba allumé, avec le logiciel eMule ouvert, et Abdalla, le plus jeune fils d’Ali Baba, téléchargeant les musiques du Top 50, celles-là mêmes qui lui rapportaient énormément d’argent sans qu’il ait à fournir beaucoup d’efforts...

« Mais voilà le jour, Sire, dit Schéhérazade ; s’il n’eût pas sitôt paru, je suis persuadée que Votre Majesté aurait pris beaucoup de plaisir à entendre ce que fit le capitaine des voleurs, et comment Ali Baba réagit. À ces mots elle se tut, et le sultan se leva, extrêmement impatient d’apprendre le reste de cette histoire.

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#16 11.11.2007 10:16:06

Levah
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28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

7e Nuit

Dinarzade, qui ne souhaitait pas moins ardemment que le sultan d’apprendre ce qui se passa entre les quatre grands voleurs et Ali Baba, appela la sultane de très bonne heure. « Si vous ne dormez pas, ma sœur, lui dit-elle, je vous prie de continuer votre conte. – J’y consens, répondit Schéhérazade ; et, pour ne pas perdre le temps, vous saurez que le capitaine des voleurs, déguisé en livreur, s’adressa à Ali Baba sur ces termes :

« N’est-ce pas là le logiciel de téléchargement eMule qu’utilise votre fils ?
– Ah ! vous connaissez ? répondit Ali Baba sans se douter de rien ; oui, c’est bien eMule. Mes enfants ont vite appris à bien l’utiliser.
– Mais savez-vous bien que son utilisation est interdite ? Ce que fait là votre fils est illégal, et il pourrait être sévèrement puni, si la justice venait à le savoir. Cela est considéré comme du vol. Êtes-vous une famille de voleurs, Monsieur ?
– Ne vous fâchez pas, mon bon ; je ne suis pas un voleur, à moins que ce ne soit l’être que de prendre sur les voleurs. Vous cesseriez d’avoir cette mauvaise opinion de moi si vous saviez que je n’ai pas les moyens financiers pour leur acheter ces choses-là qui sont de leur âge.
– Hé ! Mais de cela, la loi s’en fiche pas mal ! Si vous êtes trop pauvre, mon cher Ali Baba, ne consommez pas ces produits ; ou bien économisez pendant quelque temps ou réduisez vos autres dépenses, et quand vous aurez assez d’argent pour acheter ce que vous réclament vos enfants, achetez-le-leur. Mais ne le volez pas.
– Cela se renouvelle tellement vite de nos jours, que, le temps que j’économise pour acheter telle musique qu’ils veulent aujourd’hui, ils voudront les nouvelles sorties demain ; et je gagne tellement peu, que, même si je faisais comme vous me le conseillez avec tant de bienveillance, je ne pourrais les satisfaire que très rarement. Je vous le dis, cet eMule est une bien bonne chose pour les familles modestes comme moi. Je suis pauvre, et c’est à peine si mes revenus couvrent mes besoins. Je n’ai jamais pu acheter un seul jouet à mes enfants, et cela me chagrinait de ne pouvoir contribuer plus que ça à leur épanouissement. Avec eMule, ils peuvent se procurer ce qu’ils souhaitent, tout en ayant de quoi manger dans leur assiette ; ils ne sont plus à l’écart parmi leurs amis, ni montrés du doigt parce qu’ils ne savent pas de quoi il est question, parce qu’ils ne possèdent ni n’ont jamais joués à tel jeu vidéo ou parce qu’ils n’ont pas le dernier album de tel artiste. C’est indéniablement un plus pour leur intégration sociale, et d’un apport culturel certain.
– Mais cependant ils risquent trois ans de prison, et trois cent mille euros d’amendes. Ne vaut-il vraiment pas mieux économiser, même si vous ne pourrez leur offrir qu’un album tous les trois mois, plutôt que de risquer vos enfants à de telles peines ?
– C’est une bien lourde peine, pour une si petite chose. Cela se voit que ceux qui ont eût l’idée de cette loi sont assez riches pour payer cette amende. Cela m’aurait découragé, si j’avais un minimum de richesse ou d’économie qu’on m’eût pu prendre. Mais mes fins de mois sont difficiles, ils n’auraient rien à se mettre sous la dent. Et puis, leur offrir un album tous les trois mois, dites-vous ? Mais il ne s’agit pas de leur offrir un luxe ! La culture est quelque chose de socialement vital, et elle devrait être remboursée par la Sécurité Sociale.
– N’exagérons rien, interrompit le capitaine des voleurs, qui attendait toujours le bon moment pour avertir ses complices.
– C’était une image, reprit Ali Baba en riant, une façon de parler.
– Mais si tout le monde faisait comment vous, vous imaginez bien que les maisons de disques et les artistes ne gagneraient plus d’argent, et ce serait la fin de la création artistique. Vous en reviendrez alors à votre point de départ. Et même, vous mettriez tout le monde dans votre cas !
– Vous touchez là un point important. Pour l’industrie du disque, passons. Je crains fort qu’il ne s’agisse pour eux plus de bizness que de création artistique. Je parle bien sûr des quatre majors du disque, qui se partagent à eux seuls plus de soixante-dix pour cent du marché mondial, car j’ai fait ma petite enquête, comme on dit. Savez-vous qu’en l’an deux mille quatre, le plus grand des quatre majors, Universal Music, a amassé trois cent trente-huit millions d’euros ? Et qu’au seul dernier trimestre de cette même année, Sony BMG a dégagé un bénéfice net de vingt et un millions de dollars, contre trente-six millions pour Warner Music Group ? EMI n’est pas en reste, avec cent trente-huit millions de livres. Ces chiffres sont fous, ils augmentent chaque année, et cependant l’on me refuse quelques pauvres CD ? »
À se voir ainsi, lui et sa bande, mis à nu par Ali Baba, le capitaine des voleurs crut qu’il était démasqué, et il s’apprêtait à tout instant à donner le signal à ses compagnons pour passer à l’attaque. Il prit néanmoins le partie de pénétrer plus en avant dans la pensée d’Ali Baba : « Les choses ont dû changer depuis, dit-il, et il y a dû y avoir des baisses, avec tous ses téléchargements illégaux. – S’ils perdaient réellement de l’argent, reprit Ali Baba en riant, ses bandits auraient déjà posté des milices dans les rues, qui entreraient brusquement chez les gens pour trouver qui télécharge. » À ses mots, le capitaine des voleurs devint tout rouge ; était-ce de la rage ou de la honte, le conte ne dit rien à ce sujet. Mais Ali Baba se trompait en deux points : le premier, c’était que les quatre grands voleurs n’avaient pas attendu de perdre de l’argent pour agir, et le second qu’ils avaient décidé d’agir eux-mêmes, et qu’ils étaient chez Ali Baba dans ce but.
Voyant que son trait d’humour ne faisait pas rire son invité, Ali Baba reprit d’un ton plus sérieux : « Laissons donc les majors de l’industriel de côté, et venons-en aux artistes. Ces gens-là font-ils un métier qu’ils aiment ? Si tel est le cas, que l’on cherche à écouter leurs créations aux mépris même des lois devrait être extrêmement flatteur pour eux. Ils gagneraient certes moins d’argent avec la vente de leurs Cd ; mais quoi ? ils sont chanteurs, musiciens, ce qui implique de jouer et rejouer sa musique au public, et non une fois à un micro dans le studio d’enregistrement et une fois en play-back dans un plateau de télévision ! Les représentations et les concerts compenseront ainsi aisément les pertes. Pour les autres, pour ceux qui font ce métier pour l’argent, et bien tant pis pour eux !
– Mais alors les maisons de disques ne gagneront plus d’argent, elles n’auront plus les moyens de faire découvrir de nouveaux talents au public. Car, voyez-vous, les marges que prennent les majors sur les ventes de Cd servent à lancer des artistes inconnus, en garantissant des risques que cela comporte.
– De nouveaux artistes ? Soyons honnêtes, les seuls nouveaux artistes sont des grenouilles, des vaches, des cruches, des pingouins – que sais-je encore ?, modélisés par ordinateur et chantant sur des instrumentaux formatés. Les autres, ceux que l’on découvre, et il y a là une grande nuance, sont des artistes qui ont déjà fait leurs preuves et jouent depuis un bon moment déjà dans des concerts locaux, et qui sont proches de leur public. Vous parliez aussi de risque, mais quel risque y a-t-il à produire des vedettes, des « stars » comme disent les jeunes d’aujourd’hui ? On le sait bien, nous, que Madonna, Britney Spears, Justin Timberlake, Snoop Dogg, Eminem, Diam’s, ou je ne sais pas quel autre des artistes que téléchargent mes enfants, vont vendre beaucoup d’albums. Pourquoi donc ne pas baisser le prix des Cd pour ceux-là ? Car ils sont très élevés, surtout pour des jeunes gens encore à l’école et pourtant les premiers à consommer. Non, je vous le dis, la diminution, voir même la perte du pouvoir qu’ont actuellement les majors du disque ne serait pas une mauvaise chose.
– Hé ! Mais comment les artistes se feront-ils produire ? C’est impossible ! inenvisageable ! intolérable !
– Je ne pense pas. Tout d’abord il y a Internet, que les artistes peuvent utiliser pour se lancer et se faire connaître, sans avoir à passer par les majors. L’on remarque d’ailleurs que ceux qui acquièrent une certaine notoriété sur Internet, sur des sites comme MySpace par exemple, sont immédiatement démarchés par les majors eux-mêmes. Ensuite, l’on en reviendrait pour d’autres aux mécènes, ce qui ne serait pas plus mal, puisqu’ils viseraient la qualité et non le profit, étant donné qu’ils sont déjà très riches et s’offrent juste un luxe, celui de permettre la création artistique.
– Les mécènes ? Ah non ! ce serait un risque pour la liberté d’expression !
– Vous ne me ferez pas croire, mon cher, que les artistes peuvent dire ce qu’ils veulent dans leurs chansons. Les majors eux-mêmes imposent des limites à leurs artistes, puisqu’il s’agit de vendre, donc de toucher un public le plus large possible. »
Il y eut un silence ; le capitaine des voleurs ne savait plus quoi dire pour contrer son adversaire, tandis qu’Ali Baba, sentant qu’il avait mis son interlocuteur mal à l’aise, n’osait plus rien dire. La femme d’Ali Baba profita de cette trêve pour ramasser la théière et les verres.
Après quelques minutes de silence, Ali Baba reprit : « Mais enfin bref, on bavarde, mais le fait est que tout le monde ne fait pas comme moi. Dieu merci, il y a beaucoup de gens plus riches, qui ont l’argent pour acheter les Cd et qui ne s’en privent pas ; et moi-même, si je n’étais pas si pauvre, je le ferais volontiers. Ce qu’il faut, c’est trouver un moyen pour ne léser personne...

« Mais, Sire, dit Schéhérazade en s’interrompant en cet endroit, il est jour, et je ne dois point abuser de la patience de Votre Majesté. – Voilà des paroles merveilleuses et pleines de bons sens, qu’on ne s’attend pas à voir sortir de la bouche d’un si pauvre homme, dit le sultan en lui-même ; nous verrons demain si la suite de ses propos fut aussi pertinente et ingénieuse.

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#17 18.11.2007 21:16:49

Levah
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28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Et enfin la 8e et dernière nuit

                                                      8e Nuit

Dinarzade, suivant sa coutume, éveilla la sultane le lendemain. « Si vous ne dormez pas, ma sœur, lui dit-elle, je vous prie de nous raconter comment Ali Baba termina son discours. – Vous l’allez entendre, répondit Schéhérazade, avec la permission du sultan. »

« J’ai beaucoup surfé, poursuivit Ali Baba, sur des sites et des forums où les internautes proposaient leurs solutions au problème. Certains réclament une baisse du prix des Cd, ceux-ci étant, il est vrai, assez chers ; ainsi qu’une suppression de la taxe sur les Cd vierge, car puisque l’on nous interdit la copie privée, cette taxe n’a plus lieu d’exister.
– Hé non ! Déjà que le bizness est menacé. Réclamez plutôt une baisse de la TVA à l’Etat.
– Mais le consommateur y gagnera-t-il vraiment ? Car j’ai aussi lu que, lorsque la TVA était jadis passée de 33 à 18,6 pour cent, les prix des Cd eux n’avaient baissés que de 8 pour cent ; soit une différence de 6,4 pour cent qui alla directement dans la poche des majors. Mais puisque cela ne vous convient pas, passons.
« D’autres proposent des licences forfaitaires ; c'est-à-dire que l’on aurait le choix parmi plusieurs types de forfaits, qui permettraient de télécharger plus ou moins selon le forfait choisi. La quantité téléchargeable serait bien entendu proportionnelle au prix du forfait.
– C’est encore une mauvaise solution, désavantageuse pour les majors. Les prix réclamés par les internautes pour les forfaits sont scandaleusement bas, il y aurait un manque à gagner. Et puis, que cherchons-nous des solutions ? N’existe-t-il pas des plates-formes de téléchargement légales, où les internautes peuvent acquérir, en toute légalité, leurs musiques préférées ?
– Vous parlez de ses sites qui proposent des titres à un euro l’unité ? C’est à peine si l’on retire les frais attribués au support physique...
« Il y a enfin une dernière solution, vous me direz si elle vous semble honnête. Celle-ci est de mon imagination, aussi ne l’entendrez-vous autre part qu’ici. J’ai déjà brièvement dit l’utilité et le caractère social de la culture, ce que personne ne peut nier, surtout dans un pays comme la France. Puisqu’il s’agit de permettre à chaque citoyen un accès égal à la culture, pourquoi ne pas autoriser le téléchargement en fonction du revenu d’un foyer ?
– Je ne vous comprends pas.
– Cela est très simple pourtant. Prenons un exemple : les allocations familiales, qui sont une aide financière aux familles, diminuent à mesure que le salaire d’un foyer augmente. Il en va de même pour les bourses scolaires : plus le revenu d’une famille est important, moins l’on aide financièrement à la scolarisation des enfants de cette famille, jusqu’à un certain échelon. Pourquoi donc ne pas aussi baser le droit au téléchargement sur des critères sociaux ? L’on aurait par exemple un forfait de base, dont le prix serait calqué sur les tarifs de vente en ligne actuels, et auquel tout le monde pourrait souscrire. Les tarifs forfaitaires des échelons inférieurs seraient eux minorés en fonction des revenus, tout en gardant la même quantité téléchargeable. On légaliserait ainsi le téléchargement, mais surtout, on installerait une équité dans l’accès à la culture. C’est, à mon avis, le meilleur milieu entre la musique comme bien culturel et produit marchand. Car chacun veut tirer la couverture à soi ; les uns veulent continuer à la vendre cher, les autres ne veulent plus débourser autant, ayant la possibilité de l’avoir gratuitement. »
Ali Baba venait à peine de finir sa phrase que Morgiane le fit appeler à l’écart. Comme elle lui parlait bas, le capitaine des voleurs la reconnut et craignit alors d’avoir été démasqué. « Je suis ici depuis plus d’une heure, se dit-il en lui-même, et mes camarades sont restés enfermés dans leur malle tout ce temps ; l’un d’eux a dû attirer l’attention de cette femme en faisant du bruit. S’ils découvrent qui je suis et appellent la police, nous risquons d’avoir des ennuis. Ce n’est pas tant l’arrestation qui me fait peur, car je la pourrais faire annuler d’un simple coup de fil ; mais si cette affaire venait à se savoir, ce serait un terrible coup porté à notre image de marque. Il faut absolument éviter cela, mais faire taire une famille entière pourrait sembler suspect. Le mieux est encore que je me retire avec mes hommes, et que nous le laissions continuer à télécharger. Si nous le poursuivons en justice, cet habile homme saura se défendre, mais surtout il apitoiera le jury et, si la presse se saisit de l’affaire, le grand public également. Or la populace est toujours du côté du plus faible, même s’il est dans son tort. Trouvons un expédient pour nous tirer d’affaire. »
Alors qu’Ali Baba, quittant Morgiane, revenait vers lui, le capitaine des voleurs crut détecter sur le visage de son hôte une expression de défiance, ce qui le confirma dans ses craintes. Aussi se leva-t-il incontinent et, feignant l’embarras, il dit à Ali Baba : « Je ne sais comment vous dire, monsieur, que j’ai livré mon chargement à la mauvaise personne. J’en suis absolument navré, d’autant plus que j’ai abusé de votre temps et de votre thé ; j’ai lu « Ali Baba » où il y avait écrit « Alain Barba ». – Ne vous affligez pas tant, repartit Ali Baba avec compassion ; c’est plutôt à moi de vous remercier de votre aimable compagnie. N’avons-nous pas eu ensemble une agréable discussion ? »
Le faux livreur répondit par de nouvelles excuses. Après quelques échanges de civilités, ils redescendirent les trois malles contenant les trois compagnons du capitaine des voleurs ; et tandis qu’il s’enfuyait, Ali Baba lui souhaita tout ce qu’il pouvait souhaiter de meilleur.

Schéhérazade se tut, pour signifier au sultan que l’histoire finissait là. « Quel beau conte ! s’exclama le sultan ; mais que se passe-t-il ensuite ? Car l’on ne sait ce que devint ce bon Ali Baba, ni si les quatre grands voleurs continuèrent leurs méfaits. – Cela, l’histoire ne nous le dit pas, car les faits sont récents. Certains disent que les quatre grands voleurs prirent en compte la solution proposée par Ali Baba et permirent au peuple d’avoir un meilleur accès à la culture ; d’autres, en revanche, racontent qu’ils revinrent un soir punir le malheureux Ali Baba, soit parce qu’il leur avait si courageusement résisté, soit afin d’éviter qu’il ne répande ses idées sur Internet ; là encore les versions divergent. Quoi qu’il en soit, la vraie fin n’étant pas encore passée dans la tradition orale, il nous serait plus agréable de penser que la première hypothèse est la bonne.
Puis, comme il n’était pas encore jour, Schéhérazade commença de lui faire le récit de l’histoire de la dame lapidée...

                                                              ۞   FIN   ۞

wouala wouala... euh... bein...

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#18 26.11.2007 17:14:52

Levah
Membre
28.09.2007
14

Ali Baba et les quatre grands voleurs

Mylo a écrit

Pourquoi ce sujet plutôt qu'un autre plus en rapport avec l'actualité ?

Parce que maintenant c'est d'actualité (veulent supprimer les abonnements de ceux qui dl, avec surveillance des mails etc..).
Un silence dans une affaire politico-financière mal réglée, c'est jamais bon signe.

Sinon rien à dire ? tout le monde est d'accord avec "ma" solution ? (jespere que non...)

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