#121 18.01.2010 14:46:22

Vanaleth
Membre
30.08.2006
1,682

Ecrivains ou poètes

J'ai décidé de participer à un concours étudiant de nouvelle sur le thème: Peur

j'vous donne ce que j'ai sorti pour l'instant.

Le Polyphobe

    Tom était arachnophobe. La simple vision d'une araignée lui procurait l'impression que son cœur était pris dans un étau, l'évocation du mot « araignée » lui donnait des sueurs froides, et ce soir il allait sûrement se recroqueviller dans son lit et ne pas dormir de la nuit. Encore.
    Tom était hydrophobe. L'eau lui donnait le vertige, et son cœur s'emballait à l'idée même de nager, et ce soir il allait sûrement se recroqueviller dans son lit et ne pas dormir de la nuit. Encore.
    Mais le plus frappant chez Tom... c'était qu'il changeait de phobie. A chaque fois qu'il s'endormait et se réveillait, la phobie d'hier disparaissait, et une nouvelle prenait sa place.
    Un fait intéressant était qu'il n'avait peur que d'une chose à la fois. Il ne ressentait pas la peur  pour tout ce qui ne touchait pas directement à sa phobie quotidienne. Un chien lui avait un jour déchiqueté le bras sans qu'il n'esquisse le geste de s'enfuir.
    Cela faisait deux jours qu'il ne dormait pas, mais il était habitué à ne pas se laisser bercer par Morphée deux ou trois nuits durant. Selon son médecin qui l'avait examiné quand il avait dix ans, la dose d'adrénaline produite par son corps et présente dans son sang aurait suffit à tuer un petit éléphant. Le principal effet était que non content d'avoir une hypertension presque omniprésente, les palpitations le hantaient comme un spectre permanent. L'adrénaline avait imbibé son cerveau, et le brouillard qui embourbait son esprit ne semblait pas vouloir le quitter de sitôt.
    Le médecin qui l'examina était un incapable. Il ne donna à Tom que des somnifères pour qu'il puisse dormir tranquillement.
    Sa mère essaya des dizaines de médecins, qui lui prescrirent des douzaines de narcotiques différents. Le dernier en date que Tom était allé voir, à ses seize ans, lui annonça d'un air contrit qu'il ne lui restait qu'une dizaine de mois à vivre. Il vécut néanmoins jusqu'à ses vingt ans, collectionnant les peurs les plus communes et les plus extravagantes: de la peur de mourir à la peur des rayures en passant par la peur du vide, des chiens, des cheveux, et des vêtements.
    Le jour de ses vingts ans, Tom fit une découverte qui changea sa vie. Il fêtait son cinquième de siècle avec les quelques amis qu'il avait. L'alcool et la marijuana étaient aussi de la fête, et ses amis depuis peu. Fort imbibés d'alcool et de THC, ils allèrent jusqu'à l'autoroute et du haut du pont, s'amusèrent à lancer des canettes de bière sur les voitures en bas. Sa seule peur ce jour-là concernait les kangourous... il pensait donc pouvoir tranquillement profiter de son vingtième anniversaire.
Parce qu'il ne connaissait pas d'autre peur que ces marsupiaux bondissants, il grimpa sur la barrière du pont et fit mine de se jeter dans le vide. Une bourrasque de vent le déstabilisa, et il bascula dans le vide. Un camion le cueillit en pleine chute, et son corps ensanglanté roula dans le fossé. Ni le chauffeur du camion ni ses « amis » ne se portèrent à son secours. Personne n'appela les pompiers ou le SAMU.
Tom resta, miraculeusement en vie, dans le fossé. Quand il se réveilla, il fut stupéfait d'être en vie, et de n'avoir aucune blessure. Ce n'était certes pas un rêve, car son sang qui maculait le bitume était comme un tampon d'authentification « maintenant, tu es immortel ».
    La seule explication qu'il pût trouver à cet incident fut que son corps, qui réagissait tellement fortement à ses phobies, avait dû réagir de telle sorte quand il eût peur de la mort qu'il était maintenant immortel. Immortel, le rêve de tout homme... sauf quand on est obligé de vivre un cauchemar quotidien, effrayé par tout et n'importe quoi.
    Coïncidence ou jeu du destin? La semaine suivante, il contracta la peur de vieillir. Un « bonus » de plus que lui donnait son corps et son esprit. De la même manière que pour la peur de mourir, il ne vieillissait maintenant plus. Tom était coincé dans son corps, certes fringant, mais cela ne lui était d'aucun réconfort, lui qui n'aurait eu de plus beau cadeau que de s'endormir un jour en sachant qu'il ne se réveillerait jamais.
    Il chercha désespérément à mourir. Poison, chute, brûlure... il se fit même couper la tête et contracta les pires virus de la Terre. Son organisme, décidé à vivre, en réchappa à chaque fois, non sans souffrances atroces pour son hôte.
    A force de réflexion, il vint à la conclusion que si sa polyphobie l'avait amené là, c'était logique qu'elle seule possédait le potentiel pour l'en libérer. Puis la révélation lui vint. La peur de vivre. Il suffisait qu'il ait peur de vivre pour que la polyphobie le tue aussi sec. Dans son esprit, c'était clair comme du cristal. Malheureusement, les phobies étaient absolument aléatoires. Rationnelles ou absurdes, générales ou précises... elles n'en demeuraient pas moins totalement dûes au hasard.
    Il ne lui restait donc plus qu'à vivre. Le fait que les phobies l'empêchaient de dormir ralentissaient le processus. Il en vint donc à voler pour pouvoir se payer ses somnifères. Son immortalité, son absence de peur et le fait qu'il était déclaré mort depuis plusieurs années l'aida beaucoup. Évidemment, cambrioler un magasin en ayant peur des caisses enregistreuses ou des bonbons à la menthe n'aidait pas beaucoup. Il lui fallait donc voler pendant ses périodes « creuses », comme il les appelait. Lorsqu'il eu peur de la planète Jupiter, il cambriola son premier magasin.
    Lors de sa phobie des castors à trois pattes (oui, ses phobies pouvaient être très ridicules), il cambriola sa première banque. Mais sa polyphobie avait aussi un mauvais côté.
    Lors de sa phobie des armes à feu, il jeta son pistolet dans la première rivière qu'il croisa, et il perdit tout son butin quand il eu peur de l'argent.
    Désespéré que la Peur de Vivre ne vînt toujours pas, il en était venu à la vénérer comme un dieu, persuadé qu'elle lui offrirait la mort si il la révérait suffisamment.

Journal de Tom Waldeck, le quinze janvier deux mille cent quatre-vingt neuf, Paris, France.

    Aujourd'hui, j'ai exactement deux cents ans. Je croyais avoir perdu le sens du temps lorsque j'ai eu peur des calendriers, mais maintenant cela me revient. Je suis né le quinze janvier mille neuf cent quatre vingt neuf à Paris. Vingt années à croire être vivant. Cent quatre vingts à attendre la Peur de Vivre. Nous sommes un mardi. Apparemment, j'ai peur des flocons de neige. Heureusement, le mois de janvier se prête peu à la neige, merci au réchauffement climatique. Je vais garder la « flocophobie » encore quelques temps. Ces instants où mon cœur ne s'emballe pas à chaque seconde me sont précieux.
    Il ne me reste qu'une cinquantaine d'euros de mon dernier cambriolage. Des riches. Du genre « merci madame la comtesse. ». Et avec des chiens de garde capables de faire fuir un ours. Malheureusement pour eux, je ne suis pas un ours. Et on risque moins d'ameuter le voisinage quand on a la nuque brisée. N'est-ce pas, mon cher Albert? Albert est le majordome de la maison. Décidément, ce n'est pas le jour des animaux de compagnie aujourd'hui. Puisse la Peur de Vivre prendre en pitié ce cher Albert et l'accueillir comme il se doit.
    Un joli paquet de fric. Presque quinze mille euros. M'a duré presque un an. Ma chambre d'hôtel miteuse paraissait moins moisie avec un tapis de biftons. Maintenant, je revois les trous de la moquette et les taches suspectes.

voilà, il me manque "juste" une fin smile

Dernière modification par Vanaleth (18.01.2010 14:47:04)


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#122 18.01.2010 15:59:21

Goaould
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05.05.2009
36

Ecrivains ou poètes

l'idée est très originale, bravo ! Néanmoins, il y a quelques expressions dans la syntaxe qui me gênent dans le genre "se laisser bercer par morphée", tu peux tomber dans la facilité. Après, ce n'est qu'une remarque personnelle et dans l'ensemble j'aime bien, mais à mon avis, si tu veux prétendre à un concours, ce genre d'expressions bateau te déservira plus qu'autre chose.


Qu'est-ce qu'Onfray sans lui ?

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#123 18.01.2010 19:31:38

Vanaleth
Membre
30.08.2006
1,682

Ecrivains ou poètes

c'est toujours mieux que de ne pas écrire d'expressions justement Oo
c'est ce qui prouve la maîtrise de la langue, de connaître des expressions comme celle-là. Le mec qui écrit sans aucune expression et sans aucune figure de style ne maîtrise absolument pas le français (même si en ce moment, les livres qui sortent sont justement sans aucune figure de style, sans style propre et sans aucune expression).


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#124 18.01.2010 19:47:52

Goaould
Membre
05.05.2009
36

Ecrivains ou poètes

le point où je vous en venir n'était pas sur l'utilisation d'expressions bien entendu, mais plutôt sur les expressions utilisées. Se "laisser bercer par les bras de morphée" et autres choses similaires me semblent quelque peu vus et revus et, pour être franc, un peu gnan gnan. Après comme je l'ai dit, cela n'engage que moi.


Qu'est-ce qu'Onfray sans lui ?

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#125 18.01.2010 20:45:56

Vanaleth
Membre
30.08.2006
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Bah oui, ça s'appelle des expressions courantes en langue française.


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#126 18.01.2010 22:12:31

le-long-brick
Longbric
14.03.2007
3,748

Ecrivains ou poètes

...on dirait même "des clichés"! Mais ils ne sont pas à rejeter à priori, au contraire, utilisés à bon escient, et pour peu que tu n'en colles pas à chaque phrase, ils restent très présentables! wink

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